Indices de soupçons en matière de blanchiment de capitaux, les signes qui doivent alerter le professionnel

Soupçons : opinion défavorable à l'égard de quelqu'un, de son comportement, fondée sur des indices, des impressions, des intuitions, mais sans preuves précises (Dictionnaire Larousse)

Au titre des obligations s’imposant aux professionnels en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme figure l’obligation de déclaration d’opération suspecte (lire plus ici).

Ainsi lors de l’entrée en relation d’affaires ou lors de l’établissement du profil risque du client ou encore au cours de la relation d’affaires, le professionnel visé par les obligations de lutte contre le blanchiment devra être attentif à certains critères susceptibles de susciter un soupçon quant à la légitimité des activités menées par son client.

Le soupçon résulte d’un doute qui conduit le professionnel à s’interroger sur la licéité de l’origine des sommes ou sur la licéité de l’utilisation qui sera faite des sommes engagées. En pratique, il est difficile de ne pas avoir une approche plus ou moins subjective à la notion de soupçon. Pourtant ce processus qui peut amener à une déclaration d’opération suspecte doit être le fruit d’une réflexion objective et méthodique du professionnel.

Il est rappelé qu’un indice ou soupçon pris isolément ne déclenche pas nécessairement à lui seul l’obligation de déclaration. Toutefois, le professionnel devra faire preuve de vigilance.

En effet, s’il existe un ou plusieurs indices faisant naître un doute il sera indispensable de procéder à un examen rigoureux afin de vérifier si le doute est justifié au regard des opérations et de la connaissance qu’à le professionnel de son client.

Si le doute persiste, il est impératif d’en informer la CRF au plus vite au moyen d’une déclaration d’opération suspecte.

Le blanchiment (ou sa tentative) peut toucher aussi bien une banque qu’un vendeur de voitures en passant par un avocat ou un agent immobilier. Il est dès lors impossible de recenser tous les critères pouvant s’appliquer, chaque secteur d’activité ayant ses propres spécificités.

Il convient également de souligner l’ingéniosité et la grande capacité d’adaptation des blanchisseurs face aux situations nouvelles. Ainsi malheureusement ceux-ci ont bien souvent un temps d’avance sur la pratique répressive qui doit s’adapter à leurs mutations.

La liste des critères d’alerte ci-après n’est pas exhaustive. Ces critères constituent des exemples que chaque professionnel devra apprécier selon sa situation et les risques auxquels il est exposé. Le cheminement existant entre le soupçon et au besoin la déclaration d’opération suspecte s’opère via une analyse reposant sur un faisceau de critères.

Critères d’alerte relatifs aux mesures de vigilance :

  • La difficulté ou l’impossibilité d’obtenir des informations, l’absence de réponse aux questions posées;
  • une information recueillie sur le client et/ou les bénéficiaires effectifs et/ou l’opération s’avère incomplète et/ou inexacte;
  • l’identité d’une personne physique ou morale est usurpée;
  • les documents légaux qui doivent normalement être fournis font défaut ou ont été falsifiés;
  • la constatation d’anomalies dans les documents produits comme justification de l’origine des fonds, de l’identité des personnes physique ou morale ou sur la cohérence économique de l’opération (ex : absence du numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, faux bulletins de salaire, fausses pièces d’identité, etc.);
  • le refus du client de produire des pièces justificatives quant à la provenance des fonds reçus, ou l’impossibilité de produire ces pièces.

Critères d’alerte relatifs à une transaction commerciale :

  • une transaction commerciale s’inscrit dans un cadre inhabituel (présence d’un montage juridique inutilement complexe au regard de l’opération projetée);
  • la réalisation d’une transaction commerciale ne semble pas avoir de justification économique (en cas de transfert de propriété, un prix manifestement sous-évalué, surévalué ou incohérent est appliqué);
  • la cohérence est insuffisante entre la situation familiale, économique ou sociale du client et/ou le bénéficiaire économique et les conditions économiques de la transaction commerciale;
  • la transaction commerciale manque de cohérence ou de justification simple;
  • la transaction commerciale est une opération inhabituelle pour le client et/ou le bénéficiaire économique au regard de ses activités normales;
  • la transaction affecte un secteur sensible aux fraudes.

Critères d’alerte relatifs aux fonds :

  • l’origine des fonds est inconnue;
  • il y a un recours important à des règlements en espèces;
  • le destinataire des fonds exige des espèces ou utilise sans explication de nombreux comptes;
  • en cas d’intervention de tiers lors de transfert de fonds (que ce soit en crédit ou en débit) sans justification du lien juridique qui pourrait légitimer cette intervention au profit du client;
  • un paiement est effectué en provenance ou à destination d’établissements financiers, de sociétés ou de personnes résidant (i) dans un pays à fiscalité privilégiée, (ii) dans un pays connu pour son instabilité politique ou le développement de certains trafics, (iii) dans un pays considéré comme étant à risque;
  • en cas de paiement par un particulier de fonds sans rapport avec son activité ou sa situation patrimoniale connue;
  • en cas d’annulation d’une opération et la demande subséquente de retour des fonds vers un compte autre que le compte émetteur.

Critères d’alerte relatifs aux clients ou aux bénéficiaires effectifs :

  • le destinataire final des fonds est inconnu ou est dissimulé;
  • le comportement du client et/ou du bénéficiaire effectif est insolite;
  • le recours à l’interposition de personnes physiques ou morales n’intervenant qu’en apparence pour le compte de sociétés ou de particuliers impliqués dans des opérations financières;
  • la difficulté d’identifier les bénéficiaires effectifs et les liens entre l’origine et la destination des fonds en raison de l’utilisation de différents comptes;
  • le recours à des structures sociétaires complexes et à des montages juridiques et financiers rendant peu transparents les mécanismes de gestion et d’administration;
  • le client et/ou le bénéficiaire économique sont représentés par un intermédiaire;
  • le client et/ou le bénéficiaire économique réside dans un pays considéré comme étant à risque;
  • le client ou les bénéficiaires effectifs sont des personnalités politiques exposées (PPE) ou des personnes assimilées aux PPE;
  • le client (i) est actif dans des secteurs d’activité sensibles ou (ii) réside dans un pays considéré comme étant à risque;
  • la présence d’un tiers au côté du client, dont le comportement tend à faire penser qu’il s’agit du bénéficiaire réel de l’opération.

Critères d’alerte relatifs au secteur financier :

  • l’existence de transactions importantes et/ou irrégulières liées à une activité professionnelle sur des comptes personnels/privés;
  • la constatation d’incohérence(s) entre le volume d’affaires (ex sur base des comptes sociaux) et les mouvements sur les comptes bancaires;
  • l’existence de mouvements sur les comptes bancaires incohérents ou dont le volume change drastiquement sans justification (passer d’une activité faible à des mouvements importants);
  • la réalisation d’opérations financières incohérentes au regard des activités habituelles du client ou de son profil;
  • le paiement ou la réception de commissions de/ou à des sociétés étrangères sans activités commerciales ou sans substance ou sans lien entre les contreparties et dont la finalité semble être une (re)facturation non justifiée économiquement;
  • la présence d’une personne morale établie dans un pays considéré comme étant à risque ou peu coopératif (ex absence de reporting FATCA/CRS);
  • la présence d’une personne morale dans laquelle est intervenue de nombreux changements statutaires sur une courte période sans justification apparente (valse importante des dirigeants sociaux);
  • le recours à des sociétés ou structures juridiques situées dans une juridiction considérée comme étant à risque ou non-coopérative;
  • le recours à un montage complexe sans justification économique ou patrimoniale;
  • l’incohérence dans les informations à disposition du professionnel concernant la résidence fiscale du client;
  • la documentation fournie en relation avec une personne morale incohérente ou fausse (numéro de TVA ou d’identification fiscale invalide);
  • le refus du client de fournir la documentation de conformité fiscale;
  • la documentation de conformité fiscale soulève des doutes parce qu’elle a été émise par une personne proche du client final et qu’il y aurait un potentiel conflit d’intérêts.

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Si vous souhaitez obtenir plus d’informations sur un des points développés ci-dessus, ou pour toute autre question, n’hésitez pas à nous contacter.

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