Recouvrement et factures impayées

Recouvrement extra-judiciaire - Recouvrement judiciaire au Luxembourg - Litiges transfrontaliers, les procédures communautaires (article mis à jour suite à l'entrée en vigueur de la loi du 15 juillet 2021 portant modification du Nouveau Code de procédure civile)

La gestion des impayés auxquels doit faire face une entreprise est malheureusement une composante inhérente à la vie de chaque entreprise. Cette problématique concerne également dans une moindre mesure les particuliers.

Perte de temps et d’argent, comment gérer au mieux cette contrainte imprévue et désagréable ?

Les développements qui suivent présentent un bref descriptif de certaines modalités du recouvrement tel qu’il s’applique au Luxembourg.

I. Le recouvrement extra-judiciaire

A. Généralités

Cela semble évident mais la première étape consiste à réclamer à son débiteur le paiement des sommes dues en lui adressant une facture.

S’agissant du débiteur professionnel, il est utile de mentionner la théorie de la facture acceptée.

En effet, entre commerçants à défaut de contestation dans un bref délai, toute facture est présumée être acceptée. Le montant réclamé se trouve donc dû par le débiteur (ce thème a fait l’objet d’une publication disponible ici).

L’application de cette théorie s’avère très utile en matière de recouvrement entre professionnels.

Si malgré la présentation de la facture en bonne et due forme et malgré les relances qui auront été formulées aucun paiement n’intervient, une mise en demeure s’avère nécessaire.

B. La mise en demeure

En théorie cette formalité n’est pas une obligation légale, il convient cependant de ne pas la négliger.

Dans l’hypothèse où la mise en demeure s’avère être infructueuse elle constituera une pièce très utile si les débats se déplacent devant les juridictions. En effet les tribunaux luxembourgeois exigeront bien souvent la preuve de la réclamation préalable du paiement de la dette pour toute action introduite devant eux.

Celle-ci permettra de démontrer les réticences du débiteur voire à mettre en évidence sa mauvaise foi. Elle prouvera également les diligences accomplies par le créancier en vue de récupérer les sommes qui lui sont dues.

Le moyen le plus efficace en vue de procéder à une mise en demeure est celui de la lettre recommandée.

Celle-ci peut provenir du créancier lui-même ou afin d’augmenter son impact être envoyée par un avocat. Dans des cas plus rares, la mise en demeure peut également résulter d’une sommation d’huissier.

Pour être efficace, la mise en demeure doit :

  • Énoncer clairement (i) le montant réclamé et (ii) son fondement (i.e. le contrat à l’origine de la facture) ;
  • Comporter une injonction de payer la somme due ;
  • Indiquer un ultime délai endéans lequel le paiement doit être effectué ; et
  • Décrire les procédures judiciaires envisagées en cas de non-paiement.

Si malgré ces démarches le débiteur reste en défaut de payer les sommes qui lui sont réclamées, alors le créancier devra entamer une procédure judiciaire.

A ce stade il convient de différencier selon que le montant en jeu est inférieur ou égal à 15.000 Euros ou s’il est supérieur à 15.000 Euros.

II. Le recouvrement judiciaire au Luxembourg

A. Le recouvrement de créances inférieures ou égales à 15.000 Euros : Procédures devant la Justice de Paix

Pour ce type de créances deux modes de recouvrement s’offrent au créancier. Le premier est celui de l’ordonnance conditionnelle de paiement, le second est d’introduire une action par voie de citation devant la Justice de Paix.

1. L’ordonnance conditionnelle de paiement1

Il s’agit d’une procédure simplifiée ayant pour objet le recouvrement d’une somme d’argent ne dépassant pas 15.000 euros applicable lorsque le débiteur est domicilié ou réside au Luxembourg.

Cette procédure se déroule devant la Justice de Paix et en pratique concerne les cas les plus simples.

Dans sa phase initiale, la procédure est unilatérale en ce sens que seul le demandeur intervient. Le débiteur n’intervient dans une phase ultérieure que s’il s’oppose au paiement.

Ce mécanisme est exclu pour certaines matières (relation de travail, bail à loyer).

La demande : le créancier ou son mandataire dépose une requête en matière d’ordonnance conditionnelle de paiement au greffe de la Justice de Paix territorialement compétente.

La requête doit contenir :

  • L’identification des parties ;
  • Les causes et le montant de la créance ;
  • La demande en l’obtention d’une ordonnance conditionnelle de paiement ; et
  • Tous documents de nature à justifier de l’existence et du montant de la créance et à en établir le bien-fondé.

Décision du tribunal : le juge peut rejeter la requête s’il considère la demande injustifiée (cette décision n’est pas susceptible de recours, le demandeur peut néanmoins agir par voie de citation).

Si le juge considère la demande justifiée il rendra une ordonnance conditionnelle de paiement contenant l’ordre de payer endéans 30 jours entre les mains du créancier le montant réclamé. Cette ordonnance sera notifiée au débiteur.

Le débiteur peut choisir de payer et la procédure prend fin.

Le débiteur qui estime que la somme réclamée est injustifiée peut former contredit contre l’ordonnance. Cette possibilité existe tant que l’ordonnance n’est pas exécutoire.

Le contredit : le contredit se fait au moyen d’une déclaration au greffe de la Justice de Paix (avec une indication des arguments justifiant de l’opposition).

Dans cette hypothèse, une audience sera fixée devant le tribunal durant laquelle chacune des parties sera appelée à présenter sa position au juge.

A la suite de l’audience, le juge de paix rendra un jugement motivé. L’objet du jugement est de déclarer le contredit :

  • Bien-fondé : la demande en paiement est injustifiée, l’ordonnance conditionnelle de paiement est déclarée nulle et non avenue ;
  • Partiellement fondé :  le juge de paix prononcera la condamnation pour la partie de la créance reconnue fondée ;
  • Rejeté : la demande en paiement est justifiée le débiteur est condamné à payer.

Exécution : dans l’hypothèse d’un jugement ayant condamné le débiteur (le contredit aura été rejeté), c’est le jugement intervenu qui servira de titre pour faire exécuter la condamnation du débiteur.

Au cas où aucun contredit n’a été formé, et après l’expiration du délai de 30 jours imparti au débiteur, le créancier pourra requérir que l’ordonnance conditionnelle de paiement soit rendue exécutoire (il dispose de 6 mois pour faire cette demande, à défaut l’ordonnance conditionnelle de paiement sera non avenue).

La partie débitrice conserve la possibilité d’interjeter appel.

2. La citation 

La citation est l’acte introductif d’instance de droit commun devant le juge de paix. Elle est réalisée par exploit d’huissier envoyé par voie postale et en recommandé.

La comparution des parties est requise (en personne ou par un représentant qui doit être un avocat, ou un parent, ou un employé justifiant d’un mandat écrit).

A l’audience les parties présentent leurs arguments au juge. L’affaire sera mise en délibéré et par la suite le juge rendra sa décision.

Comme dans le cadre d’une ordonnance conditionnelle de paiement le juge pourra considérer la demande de paiement soit justifiée dans son ensemble soit justifiée partiellement ou alors injustifiée et la rejeter.

Les jugements du juge de paix sont susceptibles d’appel dès lors que l’enjeu dépasse 2.000 Euros.

B. Le recouvrement de créances supérieures à 15.000 Euros : Procédures devant le Tribunal d’Arrondissement

Le créancier aura le choix entre la requête en matière d’ordonnance de provision et le référé provision. Il pourra également agir par voie d’assignation au fond.

1. La requête en matière d’ordonnance de provision2

Cette procédure correspond à l’ordonnance conditionnelle de paiement décrite ci-dessus applicable pour les créances supérieures à 15.000 Euros (les deux procédures ont fort logiquement beaucoup de similitudes).

Cette procédure se déroule devant le Tribunal d’Arrondissement et relève de la compétence de son président. Comme pour son homologue de la Justice de Paix, cette procédure est dans sa phase initiale unilatérale, le débiteur n’intervient que dans une phase ultérieure s’il refuse de payer.

La demande : le créancier ou son mandataire dépose une requête au greffe du Tribunal d’Arrondissement territorialement compétent.

La requête doit contenir :

  • L’identification des parties ;
  • L’objet de la demande et l’exposé des arguments ; et
  • Tout document de nature à justifier de l’existence et du montant de la créance et à en établir le bien-fondé.

Décision du tribunal : le Président peut rejeter la requête s’il considère la demande injustifiée (cette décision n’est pas susceptible de recours, le demandeur peut néanmoins agir par voie d’assignation).

Si le Président considère la demande justifiée il rendra une ordonnance contenant l’ordre de payer endéans 30 jours entre les mains du créancier le montant réclamé. Cette ordonnance sera notifiée au débiteur.

Le débiteur peut choisir de payer et la procédure prend fin.

Le débiteur qui estime que la somme réclamée est injustifiée peut former contredit contre l’ordonnance. Cette possibilité existe tant que l’ordonnance n’est pas exécutoire.

Le contredit : le contredit se fait au moyen d’une déclaration écrite déposée au greffe (avec une indication des arguments justifiant de l’opposition et en joignant les documents qu’il estime pertinents).

Dans cette hypothèse, l’affaire sera fixée en audience des référés pour débattre du bien-fondé de la créance.

A la suite de l’audience, le Président rendra une ordonnance motivée. L’objet de l’ordonnance est de déclarer le contredit :

  • Bien-fondé : la demande en paiement est injustifiée, l’ordonnance conditionnelle de provision est déclarée nulle et non avenue ;
  • Partiellement fondé :  le Président prononcera la condamnation pour la partie de la créance reconnue fondée ;
  • Rejeté : la demande en paiement est justifiée le débiteur est condamné à payer.

Exécution : dans l’hypothèse d’une ordonnance ayant condamnée le débiteur (le contredit aura été rejeté), c’est l’ordonnance intervenue qui servira de titre pour faire exécuter la condamnation du débiteur.

Au cas où aucun contredit n’a été formé, et après l’expiration du délai de 30 jours imparti au débiteur, le créancier pourra requérir que l’ordonnance soit rendue exécutoire.

La partie débitrice conserve la possibilité d’interjeter appel.

2. L’assignation en référé provision

La demande est formée par voie d’assignation en justice, signifiée par un huissier de justice, à l’adresse du débiteur. L’affaire est appelée à une audience tenue à cet effet au jour et heure habituelle des référés.

Le défendeur doit comparaître en personne ou par un représentant qui doit être un avocat, ou un parent, ou un employé justifiant d’un mandat écrit.

A l’audience les parties présentent leurs arguments au juge. L’affaire sera mise en délibéré et par la suite le juge rendra une ordonnance.

S’agissant d’une procédure de référé, l’existence de la créance ne doit pas être sérieusement contestable.

Comme dans le cadre d’une ordonnance de provision, le magistrat pourra considérer la demande de paiement soit :

  • Justifié dans son ensemble ;
  • Justifiée partiellement ;
  • Injustifiée et la rejeter.

Ce type d’ordonnance permet de poursuivre l’exécution forcée (aux risques du créancier). Il est possible d’interjeter appel dans un délai de 15 jours à partir de la signification lorsque l’ordonnance a été rendue contradictoirement entre parties. En cas d’ordonnance rendue par défaut il existe un délai d’opposition de 8 jours.

3. L’assignation au fond

La demande est formée par voie d’assignation en justice, signifiée par un huissier de justice, à l’adresse du débiteur.

Lorsque le litige est de nature civile, le débiteur dispose d’un délai de 15 jours en vue d’être représenté par un avocat à la Cour. En matière commerciale la représentation par un avocat n’est pas exigée (bien qu’elle soit recommandée en pratique) et le délai de comparution est également de 15 jours.

Cette procédure permet d’obtenir un jugement sur le fond. Cela concerne en général les litiges relativement complexes nécessitant un examen plus approfondi.

Ces jugements sont susceptibles d’appel.

III. Les procédures communautaires

En vue d’assurer le recouvrement rapide et efficace des créances, les institutions européennes ont mis en place deux procédures spécifiques. Elles s’appliquent aux litiges transfrontaliers, c’est-à-dire aux litiges dans lesquels au moins une des parties a sa résidence, domicile ou son siège social dans un Etat membre autre que celui dans lequel se trouve le tribunal saisi.

A. La procédure européenne d’injonction de payer3

La procédure peut être mise en œuvre en matière civile et commerciale dans les litiges qui ont pour objet le recouvrement d’une somme d’argent y compris en matière de droit du travail.

Si la créance est supérieure à 15.000 Euros, le président du Tribunal d’arrondissement sera compétent, en dessous, la compétence relève de la Justice de Paix.

Le régime applicable ressemble à celui existant en ordre interne pour l’ordonnance conditionnelle de paiement.

Néanmoins il convient de souligner les différences suivantes

  • Le juge a la faculté de solliciter des renseignements complémentaires avant d’émettre la première ordonnance ;
  • En cas d’opposition la procédure varie en comparaison de celle suivie dans le cadre d’une ordonnance conditionnelle de paiement ;
  • En l’absence d’opposition la juridiction compétente déclare de sa propre initiative l’injonction de payer exécutoire.

Cette procédure aboutit à un titre exécutoire européen. En ce sens son exécution est possible sur tout le territoire de l’Union européenne sans formalité d’exequatur (sauf à de rares exceptions).

Les décisions rendues sont susceptibles d’un appel.

B. La procédure européenne de règlement des petits litiges4

Cette procédure s’applique en matière civile et commerciale et couvre un large éventail de situations. Elle trouve application tant dans le cadre du recouvrement de sommes d’argent mais aussi dans des litiges d’une autre nature.

Certaines matières sont tout de même exclues. Notamment l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, le droit du travail, les baux d’immeubles.

Le montant de la demande ne peut dépasser 5.000 euros lors de la réception de la demande.

Cette procédure relève de la compétence de la Justice de Paix.

Dans une première phase le demandeur adresse à la juridiction son dossier avec les pièces justificatives.

Les parties procèdent ensuite à un échange d’arguments par voie écrite (les échanges se font sous la direction de la juridiction). Ce mode de communication permet de rendre exceptionnelle la tenue d’une audience publique.

Cette procédure aboutit à un titre exécutoire européen. En ce sens son exécution est possible sur tout le territoire de l’Union européenne sans formalité d’exequatur (sauf à de rares exceptions).

Les décisions rendues sont susceptibles d’un appel.

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1 Voir les articles 129 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile : Nouveau Code de procédure civile – Legilux (public.lu) ;

2 Voir les articles 919 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile : Nouveau Code de procédure civile – Legilux (public.lu) ;

3 Le régime applicable découle (i) du Règlement (CE) n°1896/2006 du Parlement européen et du conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer, tel que modifié par le Règlement (UE) n°2015/2421 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 et (ii) des articles 49 à 49-6 du Nouveau Code de Procédure Civile. Voir CL2006R1896FR0030020.0001_cp 1..1 (europa.eu) ;

4 Le régime applicable découle (i) du Règlement (CE) n°861/2007 du Parlement européen et du conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges, tel que modifié par le Règlement (UE) n°2015/2421 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 et (ii) des articles 143-1 et 143-2 du Nouveau Code de Procédure Civile. Voir CL2007R0861FR0030010.0001_cp 1..1 (europa.eu).

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